Qu’est-ce que l’Etat ?
L’État est à la fois une réalité historique et une construction théorique, ce qui explique la difficulté de le définir de manière pleinement satisfaisante. Dans ses Contributions à la théorie générale de l’État (1921), le juriste Carré de Malberg le définit comme une “communauté d’hommes, fixée sur un territoire propre et possédant une organisation d’où résulte pour le groupe envisagé dans ses rapports avec ses membres une puissance suprême d’action, de commandement et de coercition”. Il souligne ainsi la double acception de la notion d’État, qui correspond à un mode d’organisation sociale territorialement défini et à un ensemble d’institutions caractérisées par la détention du monopole de l’édiction de la règle de droit et de l’emploi de la force publique.
L’émergence de la conception moderne de l’État
Le terme même d’État s’est imposé relativement tardivement. Il correspond à la koinonia politike grecque (que l’on peut également traduire par société civile) ou à la res publica romaine (la chose publique), ou, plus clairement, au stato utilisé par Machiavel pour désigner les cités-États d’Italie. En français, il apparaît sous l’Ancien Régime, mais il désigne alors plutôt la situation de la personne dans la société et, au-delà, la condition politique et sociale de certains groupes (le clergé, la noblesse, le tiers état) : cette étymologie commune découle du latin stare et renvoie à la notion de stabilité, de permanence.
L’acception moderne de l’État apparaît en fait à la Renaissance, Le modèle de la cité grecque ou de l’Empire romain alimente les critiques à l’encontre du système de pouvoir médiéval marqué par l’influence de l’Église et par le partage féodal de la souveraineté.
C’est ainsi que Machiavel (1469-1527) définit l’État comme le pouvoir central souverain qui soustrait l’action politique des considérations morales et religieuses.
La Réforme contribue également à rompre les liens entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel : Martin Luther (1483-1546), critiquant la logique de pouvoir de l’Église catholique, affirme ainsi la séparation totale entre le royaume de Dieu et celui du monde.
Jean Bodin (1529-1596) constate pour sa part l’existence d’un pouvoir public jouant le rôle d’unificateur de l’ordre social : il conçoit l’État comme le siège de la puissance souveraine et, à ce titre, il le différencie de la société.
Cette définition moderne de l’État établie, demeure la question de sa légitimité et de son organisation.
Au XVIIIe siècle, avec la philosophie des Lumières, les théories du contrat social apportent des réponses justifiant l’existence de l’État : en garantissant l’ordre social, l’État marque le passage de l’état de nature, caractérisé par la guerre de tous contre tous, à l’état civil, dans lequel chacun est libre en obéissant à la loi de tous. La constitution du Peuple en un corps politique, la Nation, détentrice de la souveraineté, modifie par ailleurs la conception de l’État en le soumettant au principe démocratique. L’État et la Nation apparaissent dès lors comme deux réalités étroitement liées, au point qu’à partir du XIXe siècle la notion d’État-nation s’impose, justifiant tantôt l’unification de certains territoires, tantôt la dislocation d’empires englobant plusieurs entités nationales. L’État se caractérise alors par la superposition d’une entité politique souveraine avec un ensemble culturel unifié du point de vue linguistique ou religieux.
Critiques et remises en cause des concepts d’État et de Nation
Cette conception de l’État a fait l’objet d’une critique par Karl Marx (1818-1883), pour qui la Nation est secondaire par rapport aux classes sociales, dont l’existence découle des rapports de production. L’État apparaît en se différenciant de la société civile et son rôle, dans le système capitaliste, est de permettre le maintien des rapports d’exploitation. L’État est avant tout considéré comme un appareil de violence et d’oppression, qu’il convient de faire disparaître après une période de transition (la dictature du prolétariat).
Le sociologue allemand Max Weber (1864-1920) refuse cette vision déterministe de l’État : pour lui, l’économie et la politique sont deux domaines distincts, la première étant caractérisée par la satisfaction des besoins, la seconde, par la domination de l’homme sur l’homme. Dans ce cadre, l’État apparaît comme une institution qui, sur un territoire donné, dispose du monopole de la violence physique légitime. Cela signifie que les individus reconnaissent l’autorité de l’État en acceptant de lui obéir : cette autorité est fondée sur la tradition, le charisme du dirigeant ou, dans les sociétés modernes, sur la rationalité mise en œuvre par la légalitéLégalitéQualité de ce qui est conforme à la loi et la bureaucratie.
L’idée de Nation a aussi fait l’objet de remises en cause par les tenants de la théorie de la lutte des classes. Pour eux, elle masque les conflits d’intérêts qui opposent les classes sociales selon leur position dans le processus de production. L’égalité des droits dans le cadre national occulterait ainsi l’inégalité de fait existant entre prolétaires et capitalistes dans les différents États. Aussi le mouvement révolutionnaire s’est-il construit comme un mouvement internationaliste, visant à la suppression des classes, de l’État et des nations.
Caractéristiques de l’État
Sur le plan juridique, le critère principal de l’État est celui de l’exercice de la souveraineté, qui est un pouvoir inconditionné, dont tous les autres pouvoirs dérivent. Cela signifie qu’à l’intérieur du territoire dont il a la charge, l’État dispose de la compétence de ses compétences. Lorsque cette souveraineté est exercée par un seul ensemble institutionnel, l’État est unitaire. Lorsqu’elle est partagée entre plusieurs États, eux-mêmes regroupés au sein d’un même ensemble étatique, on parle d’État fédéral.
L’État joue également un rôle essentiel sur la scène internationale, puisqu’il lui revient de défendre sa population et son territoire. A cette fin, l’État peut conclure des conventions le liant aux autres États, en même temps qu’il dispose de la force armée : il agit donc à la fois comme un sujet de droit international et comme une puissance.
Les institutions étatiques se caractérisent avant tout par l’exercice de fonctions dites régaliennes : à l’intérieur, ces fonctions concernent l’édiction des normes (législation, réglementation) et la sanction de ceux qui les méconnaissent (justice, police) ; à l’extérieur, elles concernent la diplomatie et la force armée. L’exercice de ces fonctions suppose des ressources propres, qui sont prélevées sur la collectivité nationale par le biais de l’impôt.
Mutations du champ d’action de l’État
Mais dans les sociétés contemporaines, l’action de l’État ne se limite plus aux seules fonctions liées à l’exercice de la souveraineté. Son champ d’intervention s’est étendu à de nombreux domaines où existe un intérêt général qui ne peut être satisfait par la seule action des particuliers (ex : éducation, santé, culture, recherche…).
Parallèlement, la fonction redistributrice de la fiscalité s’est imposée. Cette émergence de “l’État-providence” marque une véritable mutation de l’État : cadre institutionnel de l’exercice du pouvoir, il est également devenu un élément de cohésion sociale et un garant de l’égalité entre les individus qui le composent.
Dans la période récente, l’État est confronté au phénomène de la mondialisation : le développement des firmes dites “multinationales”, les nouveaux moyens de communication (internet), l’émergence de modes d’action politique extérieurs aux États (organisations non gouvernementales), le rôle des religions, des organisations internationales soulèvent ainsi de nombreuses questions sur l’avenir de l’État, dont il n’est pas certain qu’il demeure aussi étroitement lié au cadre national.
Existe-t-il aujourd’hui un système politique parfait ?
Un système politique est un mode d’organisation d’un État. Le système politique comprend notamment le régime politique, la structure économique, l’organisation sociale, etc. Les systèmes politiques sont nombreux. On y retrouve notamment la démocratie, le monarchisme, la théocratie, l’autoritarisme, etc. Il est habituel de les classer dans la ligne de la gauche et de la droite, mais dans la pratique la situation n’est pas toujours aussi tranchée. Je vais distinguer quatre systèmes politiques correspondant à quatre façons différentes dediriger un pays ou une région. Je vais parler plus particulièrement des régimes politiques contemporains qui font référence à la manière dont le pouvoir est organisé et exercé au sein de l’entitépolitique choisie. L’exercice de comparaison des systèmes politiques n’est pas si simple que ça, car tout en ayant la même forme institutionnelle, des systèmes politiques peuvent se distinguer en fonctionde la pratique, de l’exercice du pouvoir. Selon Maurice Duverger: « À la base de tout régime politique se trouve le phénomène essentiel de l’autorité, du pouvoir, de la distinction entre gouvernants et gouvernés ». Voici les questions que je vais me poser tout au long de l’essai : Quels sont les fondements du pouvoir politique qui définissent les valeurs fondamentales du régime ?, comment sont désignées les personnes qui reçoivent la charge et le pouvoir de gouverner une collectivité publique ? Celles-ci sont uniques ou monolithiques ? Qui sont-elles ? Quelles sont leurs formes d’organisation et quels rapports les réunissent les unes aux autres ? Comment s’articulent les droits et devoirs des gouvernants avec ceux des citoyens ? Comment se garantissent-ils réciproquement ? Comment réguleret éventuellement forcer au respect des attributions, responsabilités et zones de liberté respectives ? Toutes ces questions dans le but de démontrer si des systèmes politiques pourraient être democratiques
A – Qu’est-ce qu’un régime politique démocratique ?
a) – Système politique et régime politique
- Un système politique est formé d’un ensemble d’institutions (pouvoirs publics, partis politiques, groupes d’intérêts…), de règles et de comportements politiques des acteurs, qui agissent en interaction pour accéder et exercer le pouvoir politique. Un système est un ensemble d’éléments interdépendants, c’est-à-dire liés entre eux par des relations telles que si l’une d’elle est modifiée, les autres le sont aussi et par conséquent, tout l’ensemble est modifié. Un système politique est donc une combinaison variable d’autorité légitime (recours au consensus) et de puissance publique (recours à la coercition) qui rend certaines personnes capables de décider pour la société globale et de se faire obéir. Il est en relation avec la structure économique et l’organisation sociale et comprend un régime politique.
- Un régime politique correspond à un mode d’organisation et de gouvernement d’un Etat. Lorsqu’on analyse un régime politique, on s’intéresse :
- Aux fondements du pouvoir : de qui émane l’autorité des gouvernants (principe de la légitimité) ?
- Au choix des gouvernants : comment ont-ils été sélectionnés (principe de la représentativité) ?
- A la répartition des pouvoirs : quels sont les rapports entre les trois pouvoirs (l’indépendance) ?
- Au contrôle des pouvoirs : quelles sont les limites imposées aux gouvernants ?
Les régimes politiques sont le fruit du jeu des forces politiques dans le cadre institutionnel défini par la constitution ou par la coutume. S’ajoutent d’autres facteurs, historiques, idéologiques, culturels, qui déterminent la nature des régimes politiques. Le régime politique est souvent codifié dans une Constitution qui est la loi fondamentale d’une nation. De ce fait, on peut distinguer régime constitutionnel et régime politique. Le premier se déduit uniquement de la Constitution ou des textes qui la remplacent (il n’y a pas de Constitution à proprement parler au Royaume-Uni) ; le second se fonde aussi sur des usages politiques. Par exemple l’Angleterre a pour régime constitutionnel une monarchie traditionnelle et pour régime politique une monarchie parlementaire.
- Au cours de l’histoire, on peut distinguer plusieurs régimes politiques :
- Le monarchisme : forme de gouvernement dans laquelle l’État est dirigé par une seule personne qui représente ou exerce l’ensemble des pouvoirs. Le mode de désignation du monarque n’est pas nécessairement héréditaire: il peut aussi être élu, comme c’était le cas pour les empereurs du Saint Empire Romain Germanique ou les doges de la République de Venise. Dans la monarchie de droit divin, le monarque est le représentant de dieu sur terre. Dieu lui a donné le pouvoir. Dans la monarchie absolue, le roi détient tous les pouvoirs sans réels contre-pouvoirs. Dans la monarchie constitutionnelle, les pouvoirs du roi sont encadrés par la constitution. Le souverain va peu à peu perdre ses pouvoirs pour se transformer en une simple autorité morale dans les monarchies parlementaires (Espagne, Royaume-Uni, Norvège, Suède…).
- L’oligarchie : forme de gouvernement dans laquelle l’État est dirigé par un petit nombre de personnes uni par des liens familiaux, des liens claniques ou des intérêts communs (exemple : caste militaire, oligarchie terrienne…). Ces personnes forment une classe dominante. L’oligarchie peut être constituée des meilleurs (« aristocratie » au sens étymologique), des plus riches (« ploutocratie »), des scientifiques et techniciens (« technocratie »), des Anciens (« gérontocratie »), de ceux qui bénéficient de la force ou de tout autre pouvoir de fait. L’existence d’élections régulières ne suffit pas à interdire une tendance au régime oligarchique. Les sociétés contemporaines du monde occidental sont elles aussi concernées par une dynamique oligarchique. Ainsi, Hervé Kempf, dans son ouvrage intitulé « L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie » (2011), met en avant la concentration croissante du pouvoir décisionnel par une élite restreinte de dirigeants politiques, de grands chefs d’entreprises, d’acteurs financiers, de journalistes influents, etc. Ceci a favorisé une collusion croissante entre les représentants politiques et les élites économiques ou financières afin de satisfaire des intérêts de plus en plus convergents, au détriment du « bien commun ». Ainsi le traité européen de Lisbonne a été adopté en 2008 alors que les peuples français, néerlandais et irlandais s’étaient prononcés contre celui-ci, lors de référendums censés incarner une souveraineté populaire.
- La démocratie est le régime politique par lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple souverain. Selon Périclès repris par Abraham Lincoln, « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».
Cette définition simple pose une série de questions complexes :
- Qui est le peuple ? Toute la population ? Une catégorie de la population ? Les citoyens ? Qui a droit à la citoyenneté ? Selon quels critères ? Ainsi, dans la démocratie Athénienne, les femmes, les esclaves et les métèques ne sont pas considérés comme des citoyens ce qui réserve la citoyenneté à une minorité de la population. De même, dans la démocratie française et dans la démocratie américaine, il aura fallu plus d’un siècle pour que les femmes et les noirs accèdent à la citoyenneté. A quel âge devient-on un citoyen ? En France, il aura fallu attendre 1974 pour que la majorité soit abaissée de 21 à 18 ans. Enfin, de nos jours, la question de la participation, à certaines élections (locales, européennes), des étrangers résidents depuis un certain temps sur notre territoire a été posée.
- Comment le peuple exerce-t-il son pouvoir ? Doit-il participer directement aux prises de décision ? Doit-il se faire représenter ? Comment peut-il contrôler les décisions de ses représentants ? Quelles formes peuvent prendre sa participation à la politique ? Ainsi, dans la démocratie Athénienne, les citoyens peuvent prendre la parole et voter au sein de l’Ecclésia. Ils peuvent aussi se faire représenter à l’assemblée. Le degré de participation aux assemblées est inégal. Il dépend souvent du degré de richesse. La rédaction des lois est confiée à la Boulè constituée de citoyens tirés au sort. De nos jours, le peuple élit des représentants qu’il contrôle en les interpellant de façon quotidienne et en leur renouvelant ou non leur mandat au moment des élections qui se tiennent à échéance régulière. Mais, la démocratie peut-elle se limiter à la démocratie représentative ? N’existe-t-il pas d’autres formes de participation du peuple aux prises de décisions politiques ? Ainsi, en France, on a mis en place des expériences de démocratie participative par la création, en 2002, des conseils de quartier dans les grandes villes ou d’expériences de budgets participatifs sectoriels (notamment en Région Poitou-Charentes ou en Région Ile-de-France).
- Quel est l’intérêt général ? Comment savoir ce que veulent les citoyens ? Le peuple est-il capable d’exprimer ce qu’il veut ? N’est-il pas influençable ? Doit-on toujours faire ce que le peuple veut ? Les dirigeants politiques peuvent-ils avoir raison contre le peuple ? L’intérêt supérieur de l’Etat correspond-t-il à l’intérêt général ? Ainsi, l’existence formelle d’un vote démocratique ne saurait garantir pour autant le caractère réel de la démocratie, dans la mesure où tout pouvoir peut s’affranchir par la force ou par des pratiques plus discrètes des limites qui lui sont fixées, dès lors que l’opinion publique ne parvient plus à faire entendre sa voix. Ainsi la démocratie semble toujours enfermée dans le dilemme qu’a souligné au XIXe siècle l’un de ses plus éminents analystes, Tocqueville : favorisant l’égalité de tous plutôt que la liberté de chacun, la démocratie est toujours fragile, à moins que l’action des corps intermédiaires et la qualité du débat public évite la fragmentation du corps social, qui laisserait le citoyen seul face au pouvoir.
b) – Les régimes autoritaires.
- Il n’est pas rare de voir les hommes politiques confisquer peu à peu à leur profit le pouvoir politique. Pour R. Michels, la démocratie dans les sociétés complexes tend à l’oligarchie, c’est à dire au gouvernement par un petit nombre (loi d’airain de l’oligarchie). En effet, les décisions collectives sont de plus en plus techniques et complexes. Elles ne peuvent être prises que par des experts en politiques, les dirigeants, qui se coupent progressivement de la masse des dirigés. C’est ce type de régime politique que constate Alexandre Soljenitsyne en Russie. Dans ce pays, une oligarchie politico-financière monopolise le pouvoir économique et politique à son profit en oubliant le mandat des électeurs. Ce régime peut déboucher sur un régime autoritaire dans lequel le pouvoir politique veut imposer la toute puissance de l’Etat.
- Guy Hermet, spécialiste des régimes autoritaires, en donne les caractéristiques suivantes :
- Une tendance à l’oligarchie : les pouvoirs politiques et économiques sont concentrés dans un petit nombre de mains. Ainsi, dans la Russie contemporaine, le pouvoir est aux mains de personnalités du monde des affaires, les oligarques, en lien avec le pouvoir politique, qui se sont enrichies après le démantèlement de l’URSS, à la faveur de la transition de l’économie russe vers l’économie de marché et notamment des privatisations lors des deux mandats du président Boris Eltsine. Le président Poutine s’appuie sur cette caste économique et ses énormes moyens financiers pour assoir son pouvoir politique. La corruption est érigée en système pour obtenir l’accès au pouvoir et aux richesses qu’il procure. La Russie passe selon l’indice de perceptions de la corruption du 79e rang sur 91 en 2001 au 143e rang sur 179 pays en 2011.
- Une démocratie d’apparence : le recrutement des dirigeants relève plus de la cooptation que de la mise en concurrence électorale des candidats aux responsabilités publiques. Ainsi, le président Poutine a accédé pour la première fois à la Présidence de la Russie après avoir été choisi comme vice-président par le président Boris Elsine. De même, le président Medvedev est une créature du président Poutine qui ne pouvait se représenter après deux mandats en 2008. Les élections n’ont qu’une apparence démocratique. Elles visent à légitimer le système politique aux yeux du monde et à l’intérieur de s’assurer de l’apathie des masses sans que leurs résultats, connus à l’avance, n’aient une quelconque influence. Ainsi, en Russie certains partis d’opposition ne sont pas autorisés à se présenter aux élections afin d’assurer au président Poutine une majorité au Parlement. Les élections sont sous contrôle : le clientélisme du pouvoir politique se traduit par l’achat de voix, la satisfaction des besoins des fidèles au pouvoir, le contrôle des fonctionnaires ou le bourrage des urnes.
- La confusion des pouvoirs : le pouvoir exécutif contrôle à la fois le législatif et le judiciaire. En Russie, le régime s’apparente à un régime bonapartiste dans lequel un leader charismatique impose un Etat national autoritaire et centralisé pour mener à bien des réformes avec l’assentiment d’une majorité du peuple. Le président Poutine a imposé « la verticale du pouvoir » en nommant lui-même les gouverneurs des régions, qui étaient avant 2002 élus par la population, afin de contrôler les pouvoirs locaux. Il est à la tête du parti majoritaire « Russie unie » ce qui lui permet de contrôler la production des lois. Enfin, il supervise la nomination des juges ce qui rend la justice dépendante du pouvoir politique. Les décisions de justice considérées comme politiques sont arbitraires et injustes. Enfin, l’Etat contrôle directement ou indirectement les grands médias ce qui fait taire les voix discordantes.
- L’absence d’Etat de droit : d’une part, l’Etat ne respecte pas ses propres lois ce qui créé un sentiment d’impunité chez les dirigeants ; d’autre part, les libertés individuelles sont de plus en plus remises en cause avec le développement du contrôle policier, l’interdiction de manifester, le contrôle administratif de la création d’association, la liberté d’expression entravée…Le pouvoir des régimes autoritaires repose plus sur la force plutôt que sur la persuasion.
c) – Les principes d’un régime démocratique.
Les fondements de la démocratie
Le respect des libertés fondamentales
La séparation des pouvoirs
La souveraineté populaire
1er principe : la souveraineté populaire. Elle suppose que les citoyens puissent participer aux prises de décision politique, directement ou indirectement, et qu’ils puissent contrôler ceux qui prennent ces décisions. Dans une démocratie l’ensemble des citoyens détient le pouvoir souverain et exprime sa volonté par le vote, selon le principe « un homme, une voix » ; ce principe peut d’ailleurs être considéré comme le fondement théorique principal de la démocratie. Ceci suppose donc :
La définition de la citoyenneté : la citoyenneté est le fait pour une personne, pour une famille ou pour un groupe, d’être reconnu comme membre d’une société nationale et d’avoir le droit de participer à sa vie politique. La citoyenneté comprend quatre éléments : la nationalité qui donne un cadre à la souveraineté nationale, les droits (droits civiques, droits politiques, droits sociaux) les devoirs (payer les impôts, respecter les lois ou encore être juré de Cour d’assises si besoin est) et la participation civique. La somme des citoyens, distincts des hommes politiques et des gouvernants, représente la société civile. Etre un citoyen suppose donc trois attributs :
- Avoir la nationalité : dans le cadre de l’Etat-Nation, seuls les nationaux sont admis à l’exercice des droits politiques parce qu’on considère qu’avoir la nationalité est une preuve de la volonté d’appartenir à la communauté nationale et qu’en conséquence l’individu détient une parcelle de la souveraineté nationale. Ceux qui n’ont pas la nationalité sont des étrangers qui ne peuvent participer à la vie politique nationale.
- Jouir de ses droits civiques et politiques : le citoyen a le droit de vote, le droit d’être éligible, le droit de faire partie de la fonction publique, le droit de faire son service militaire lorsque celui-ci existait, le droit de s’exprimer politiquement, ce qui n’est pas donné aux nationaux qui ont perdu, à la suite d’une décision de justice, leurs droits civiques. En contrepartie, le citoyen à des devoirs : payer ses impôts, ses cotisations sociales…qui définissent une citoyenneté sociale qui dépasse le cadre de la nationalité (les étrangers peuvent voter dans les élections d’entreprise…).
- Participer à la vie politique de la Nation : le citoyen doit privilégier l’intérêt général sur ses intérêts privés et avoir le sens civique (participation aux élections, participation aux décisions politiques, adhésions aux partis, aux associations…). Tous les nationaux disposant des droits civiques et politiques ne les exercent pas. Ils se privent ainsi de la qualité de citoyen.
- L’égalité des citoyens devant la loi : Ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs contrairement au régime aristocratique. Ce principe s’est développé dans la philosophie politique occidentale au XVIIIe siècle et fut mis en oeuvre dans des systèmes de démocratie libérale en France ou aux États-Unis après les révolutions de 1787 et 1789. Ainsi, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 proclame-t-elle dans son 1er article que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Le suffrage universel qui a mis du temps à s’imposer. Dans l’Antiquité, les droits civils sont réservés aux maîtres. De la Révolution française de 1789 à 1848, le suffrage est censitaire. Le droit de vote est réservé à ceux qui payent un montant minimal d’impôt (le cens). De 1848 à nos jours, le suffrage universel s’étend. Il est réservé aux hommes de plus de 21 ans jusqu’en 1945 car la femme est considérée comme mineure politiquement et socialement. Il est accordé aux jeunes de 18 ans en 1974 car le niveau d’instruction s’est considérablement élevé. Enfin, le traité de Maastricht (1991) accorde aux membres de la communauté européenne le droit de vote et l’éligibilité pour les élections municipales et européennes. La citoyenneté devient peu à peu européenne. La généralisation du droit de vote consacre donc les droits des individus qui se libèrent des hiérarchies sociales traditionnelles et qui apprennent à jouer le jeu démocratique : secret du vote (naissance de l’isoloir en 1913), respect du résultat et de la procédure de vote…Le droit de vote donne naissance à l’électeur.
- Le pluralisme politique : l’offre politique doit être diversifiée. Les partis politiques doivent être nombreux et les oppositions fortes pour que les électeurs aient de vrais choix politiques à faire. La concurrence entre les partis doit être réglementée de telle façon qu’elle se fasse dans les conditions les plus égales possibles (règles de financement des partis et des élections, règles d’accès aux médias, liberté d’expression…).
- La règle de la majorité : toutes les démocraties constituent des systèmes où les citoyens peuvent librement prendre des décisions politiques selon la règle de la majorité. Mais la règle de la majorité en elle-même n’est pas automatiquement démocratique. Personne par exemple ne peut appeler un système équitable ou juste s’il permet à 51% de la population d’opprimer 49% au nom de la majorité. Dans une société démocratique, la règle de la majorité doit être accompagnée de garanties des droits humains qui à leur tour, servent à protéger les droits des minorités et des dissidents – qu’ils soient ethniques, religieux, ou de simples perdants d’un débat politique. Les droits des minorités sont protégés car les lois et les institutions démocratiques protègent les droits de tous les citoyens.
- La reconnaissance de l’opposition : elle a droit à l’information et au pouvoir d’investigation. Elle peut participer aux commissions d’enquête de l’assemblée nationale… C’est en Grande-Bretagne que le statut de l’opposition est le plus institutionnalisé. À la Chambre des communes, la seconde force politique est considérée comme l’opposition officielle dirigée par un leader qui dispose à ce titre d’un rang élevé dans l’ordre protocolaire et d’une rémunération.
- La régularité des élections et l’alternance : les élections doivent avoir lieu de façon régulière et permettre à l’opposition d’accéder au pouvoir (alternance).
2ème principe : la séparation des pouvoirs. La théorie de la séparation des pouvoirs a été énoncée par Montesquieu dans « L’esprit des lois » (1748). Elle est un principe de répartition des différentes fonctions de l’État, qui sont confiées à différentes composantes de ce dernier.
- Le pouvoir législatif est confié au Parlement. Il vote les lois sur proposition du gouvernement (projet de loi) ou des parlementaires (proposition de loi). Il vote le Budget de l’Etat. Aux Etats-Unis, les parlementaires ont des domaines d’intervention distincts de ceux du Président qu’ils ne peuvent destituer (sauf exception) afin d’affirmer la séparation des pouvoirs.
- Le pouvoir exécutif est confié au gouvernement, à la tête duquel se trouve un chef d’État et/ou de gouvernement. Il est en charge de l’exécution des lois et dispose de domaines distincts de ceux du Parlement (l’armée, la police, la diplomatie, l’administration). Aux Etats-Unis, le Président est élu dans une élection semi-directe. Il ne dépend donc pas du Parlement et ne peut, en contrepartie, le dissoudre.
- Le pouvoir judiciaire est confié au juge. Ce pouvoir a pour rôle de contrôler l’application de la loi et de sanctionner son non respect. Il peut interpréter la loi (jurisprudence) et il vérifie la conformité de la loi vis-à-vis de la constitution (Cour constitutionnelle, Cour suprême). La justice doit être indépendante des deux autres pouvoirs.
Cette séparation des pouvoir doit respecter deux règles :
- La règle de la spécialisation : l’exécutif, le législatif et le judiciaire ont des domaines qui leur sont propres et chaque organe ne doit pas empiéter sur le domaine de l’autre dans le but de préserver la liberté. Ceci permet de lutter contre l’absolutisme.
- La règle d’indépendance des pouvoirs : les trois pouvoirs se situent au même niveau. Un organe ne peut commander aux deux autres dans le but d’éviter le despotisme. Ainsi, la Justice doit être indépendante du pouvoir politique. Cette indépendance garantit l’exercice démocratique du pouvoir et permet d’éviter l’arbitraire.
- Cependant, cette séparation des pouvoirs ne peut être totale car les trois pouvoirs doivent pouvoir collaborer, d’une part, et contrôler l’usage qui en est fait, d’autre part. Ainsi, aux Etats-Unis :
- Le législatif à un droit de regard sur les nominations des membres du gouvernement ;
- L’exécutif peut mettre un droit de véto sur une loi votée par le parlement qui ne sera levé qu’avec l’accord des deux-tiers des parlementaires ;
- Le judiciaire n’est pas totalement indépendant de l’exécutif et des citoyens. En France, le ministère de la justice contrôle les procureurs et les pouvoirs législatifs et exécutifs nomment les membres du conseil constitutionnel. La tentation de l’exécutif de se mêler des affaires judiciaires, soit pour étouffer une affaire, soit pour peser sur les poursuites ou sur le jugement, est permanente.
- Malgré toutes ces précautions, il n’est pas inutile d’avoir d’autres contre-pouvoirs (les médias sont, par exemple considérés comme un « quatrième pouvoir », les syndicats, les associations, les partis) qui sont des garanties contre l’installation d’un pouvoir autoritaire.
3ème principe : les libertés fondamentales. Elles regroupent à la fois les droits de l’homme (droits universels inaliénables), les libertés publiques (droits vis-à-vis de l’Etat) et les garanties procédurales (tout doit être fait dans le respect du droit) qui protègent les individus des autres et de l’Etat (excès et des abus de pouvoir). Elles sont reconnues dans la Constitution et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et, au niveau international, par la Convention européenne des droits de l’homme et la déclaration universelle des droits de l’homme.
- Libertés
- Fondamentales
- Libertés publiques
- Droits de l’homme
- Droits intangibles
Les libertés publiques : On appelle « libertés publiques » l’ensemble des droits et des libertés individuelles et collectives garantis par les textes législatifs et donc par l’Etat. Les libertés ne sont dites publiques que si l’Etat intervient pour les reconnaitre et les aménager, quel que soit l’objet de cette liberté. Les libertés publiques sont donc une traduction dans le droit positif des Droits de l’homme et des droits fondamentaux.
Libertés individuelles | Libertés politiques | Libertés sociales |
Liberté de penser | Liberté d’opinion | Droit à un emploi |
Liberté de circuler | Droit de vote | Droit à l’instruction |
Intégrité physique | Droit à l’éligibilité | Droit à un logement |
Refus de l’esclavage | Droit de réunion | Droit de se syndiquer |
Liberté religieuse | Droit d’association | Droit de grève |
Droit à une vie privée | Droit de manifester | Droit à la protection sociale |
Droit d’être rejugé | Droit d’asile | Refus des discriminations |
Droit de propriété | Droit de résistance | Droit à la solidarité |
Présomption d’innocence | Liberté de presse | Liberté du travail |
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